| | Misha. | |
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noëmy.
Messages : 167 Date d'inscription : 02/05/2010 Age : 30
Fiche RPG Puf: Chinook. Liens : Informations:
| Sujet: Misha. Jeu 20 Mai - 19:25 | |
| Chapter one ~Journée inoubliable.
- Spoiler:
Certains jours, on se dit qu’on ne pourrait pas les oublier. Certains jours sont comme ça. Simplement marquants. Simplement inoubliables.
« Hé Mi-chat, tu vas à la SPA cet aprèm, adopter un petit frère ?! » Une jeune fille se leva de table si précipitamment que beaucoup sursautèrent dans la salle. Ses cheveux roux, qui lui tombaient jusqu’aux hanches, virevoltèrent, surpris eux aussi. Elle se planta face à un lycéen qui avait perdu son sourire. Elle se pencha vers lui. On pourrait croire à une blague pour faire rire la galerie. Sauf que Misha –celle qui s’était levée – ne riait pas. Pas du tout. Elle attrapa l’oreille du moqueur. « Tu choisis, tête de criquet : Soit tu t’excuses, soit je t’arrache l’oreille. » « C’est bon, c’est bon, c’était pour rire. » Misha pinça son oreille un peu plus fort. « Je suis désolé, ça te va ?! » Elle partit se rasseoir à sa place, satisfaite, même si aucun sourire ne s’était affiché. La menace de la douleur terrifiait plus que la douleur elle-même. Elle ne supportait pas que l’on se moque de son nom – il était déjà suffisamment difficile à porter. Toute la classe éclata de rire, ravie de voir qu’une fille était capable de dominer un garçon. « On n’arrête maintenant ! » s’exclama Mme Hap, leur professeur de français. Elle fusilla Misha du regard, qui le soutint de ses prunelles bleues comme l’océan un beau jour d’été. En effet, ses yeux, qui n’avaient rien de commun, étaient d’un bleu très clair, où l’on pouvait donc facilement distinguer quelques perles de mauve. Un regard que, généralement, on n’oubliait pas. Mme Hap tressaillit et détourna le regard. Le premier sourire de Misha s’afficha. Heureusement, la sonnerie coupa leur professeur dans des explications soporifiques. Misha n’était pas une fille agressive ni rien de tout ça. Elle savait juste se faire respecter. Elle détestait que l’on se paye sa tête. Franche, elle préférait de loin qu’on lui dise si on avait un problème avec elle. L’avantage, c’est que généralement, après la première semaine de cours, personne n’osait plus lui chercher des noises. Et le lycée ne changerait pas les habitudes du collège. Ce n’était que le deuxième jour, la rentrée s’étant passée la veille. D’ici la fin de la semaine, personne ne viendrait s’en prendre à elle. Elle apprendrait même aux Terminales à respecter une Seconde, s’il le fallait. Malgré son tempérament lunatique et impulsif, c’était une jeune fille pleine de dynamisme et d’humour. Elle aimait parler et s’amuser. Les chaises crissèrent quand elles furent repoussées et Misha s’enfuit de sa salle de cours sans saluer Mme Hap – qui ne lui répondrait pas, de toute façon. C’était comme si elle la craignait. Ne vous méprenez pas, ça avait quelque chose d’effrayant de faire peur à son prof.
Dans les couloirs, entre bousculades et brouhaha, Misha le vit. William. « Hé Will ! » s’écria-t-elle, son visage se fendant d’un immense sourire. William s’approcha, lui prenant la main et l’embrassant doucement. Ces deux-là se connaissaient depuis la primaire. N’ayant pas le même âge, ils s’étaient rencontrés un été, juste avant la rentrée en CP de Misha. Depuis, ils étaient inséparables. William avait deux ans de plus qu’elle, mais ça n’avait jamais rien changé entre eux. Que ce soit à sept, dix ou douze ans, Misha l’avait toujours aimé avec une passion que les adultes trouvaient dérangeante. « Si petits… » Disaient-ils. Mais les deux enfants n’avaient rien voulu savoir. Aujourd’hui, Misha avait quinze ans et lui en avait dix-sept. Mais ça ne changeait toujours rien. « On se voit au self ? » Lui demanda William avec un sourire en coin. « Comme toujours. » Lui répondit Misha. Elle passa le revers de sa main sur sa joue, fixant ses yeux noisette. Puis, elle rejeta son sac sur son dos, et s’éloigna dans les couloirs pour gagner son prochain cours – histoire, autant dire que ça allait être passionnant. Elle ignorait encore qu’elle ne mangerait pas avec son petit ami, ce jour-là.
Quand elle entra, M. Dehury se racla bruyamment la gorge en fixant la retardataire. Misha s’assit à une place libre en lui adressant un petit sourire d’excuse. Il finit par soupirer, comme s’il était désespéré, et commença son cours. Enfin, comme c’était la première fois qu’ils le voyaient, il entama la présentation de son cours tout au long de l’année et leur fit remplir une fiche d’informations. A la question ‘en couple ou célibataire ?’, Misha se dit que c’était un pervers. Elle n’y répondit pas et passa. L’heure s’étira en longueur, interminable. L’historien fixait la jeune rousse avec une insistance déconcertante. Quand enfin la sonnerie éclata en braillant une mélodie digne de plus piètre compositeur de l’école de Mozart, Misha rangea en hâte ses affaires. Le regard du prof ne la lâchait plus. Il était hors de question qu’elle sorte la dernière. « Mademoiselle Hellya ? » Misha soupira bruyamment – espérant que cet imbécile l’ait entendu. Elle se retourna. Le professeur l’observait, avec un sourire malveillant. Les derniers élèves sortaient en ricanant. Elle était seule. Elle releva le menton, serrant les dents. Elle plongea son regard océanique dans celui du prof, usé et éteint. « Oui ? » « J-je voulais vous voir, bredouillait-il, troublé par ses prunelles. Vous m’avez l’air d’être douée dans cette matière. Je vois en vous des capacités qui dépassent celles de vos camarades de classe. Ne voulez-vous pas… que je vous donne des cours particuliers ? » Tout ça d’une tirade bien maladroite. Mais surtout très mal attentionné, de l’avis de Misha. Elle repoussa ses longs cheveux raides qui tombaient derrière-elle dans une cascade flamboyante, avant de fixer le prof. Elle ouvrit la bouche, prête à lui lâcher une réponse cinglante qui lui fermerait le clapet, quand soudain, un courant d’air parcouru la salle. La porte se claqua. Génial, pensa-t-elle. Il ne manquait plus que d’être enfermée avec lui. Elle soupira, mais recula. Prudence est mère de sûreté. « Alors… ? » tenta tout de même l’homme en la regardant en souriant comme un gamin devant son jouet préféré dans les étalages d’un supermarché. Jouet préféré mais inaccessible car trop haut. Inaccessible. « Je suis désolée mais je n’ai pas besoin de vos cours. Je vous remercie. Je… dois aller à mon prochain cours. » Il se précipita pour lui barrer la route. Il se trouvait entre elle et la porte. C’est mauvais, ça. C’est là qu’elle commença à avoir peur. Et s’il la violait ? Quelqu’un l’entendrait crier, ici, au milieu des deux mille six cents élèves ? Certainement pas, conclut-elle toute seule. « Laissez-moi passer. » Un sourire malsain s’étira sur les lèvres de M. Dehury. Ce fut la dernière chose qu’elle vit. Un courant d’air – si on peut appeler ça comme ça car il avait l’intensité d’une tempête – traversa la salle, alors que la porte était déjà close et que celle de sécurité, à l’arrière de la salle, était fermée à clé.
Misha rouvrit les yeux quelques minutes plus tard, à en juger à sa montre. Le courant d’air avait dû la terrasser. Elle vit alors devant elle le corps de son nouveau professeur, allongé au sol, inerte. Il respirait. Assommé, certainement. Un nouveau courant d’air, plus faible, attira son attention. En réalité, ce n’était pas le souffle d’air, mais plutôt la douce mélodie, tellement faible qu’elle en discernait à peine les notes, ainsi que l’odeur musquée qui flottait qui l’attira. Son regard se posa sur la porte verrouillée à l’arrière de la salle. Qui était ouverte. Elle se leva, s’épousseta brièvement, et marcha jusqu’à celle-ci, curieuse et intriguée. Ce qu’elle vit de l’autre côté lui coupa le souffle. Il n’y avait pas de couloir. Il n’y avait pas d’élèves. Mais une immense prairie à l’herbe d’émeraude, secouée par un vent capricieux. Misha resta un moment bouche bée devant ce spectacle. Je rêve, comprit-elle. Mais alors, si elle rêvait, que pouvait-elle risquer ? S’était-elle réellement endormie, là, au pied de son prof d’histoire qui, dès le premier jour, lui faisait de drôles de propositions ? Impossible. Mais l’hilarité de sa découverte la convainquit presque que ce n’était pas réel. Presque. Il y avait quelque chose, un aspect, des détails, qui prouvaient la réalité de la scène. Elle ne dormait pas. Elle fut soudain attirée, et eut une irréprochable envie d’y aller. Elle jeta un coup d’œil à son professeur inconscient, et haussa les épaules. Elle passa le seuil de la porte. Rien n’avait changé, sinon qu’elle entendait les oiseaux chanter et sentait le soleil puissant sur sa peau pâle. Elle sourit. C’était étrange, mais elle se sentait bien, ici. Entière. Elle avança un peu, observant les alentours. Derrière elle se trouvait une arche toute faite de pierre. Une arche au travers de laquelle elle voyait son professeur, toujours étendu dans la salle. L’arche était surplombée d’une immense forêt, un océan d’arbres dont elle ne voyait la limite ni sur les côtés, ni dans sa profondeur. Elle se retourna vers la plaine. C’est alors qu’elle remarqua une silhouette furtive qui s’avançait vers elle. Non, qui courrait. Misha plissa les yeux. Elle ne courrait pas. La silhouette glissait. Elle volait presque. Non, elle volait carrément. Deux ailes, de taille de son avant-bras, portaient l’inconnu dans sa direction. La vitesse rendait ses contours imprécis. Mais il sembla à Misha qu’il était humain. Si l’on oubliait les ailes. C’était un jeune garçon, de son âge. Il lui hurla quelque chose. Croyant certainement à un salut de bienvenue, Misha sourit. « Bonjour ! » répondit-elle. L’individu se rapprocha. Et là, elle comprit ses paroles, et vit qu’il ne souriait pas. « Va t’en ! » lui criait-il d’une voix pressante. Misha sentit monter en elle de la colère. Pourquoi devrait-elle partir ? Il avait acheté la prairie ou quoi ?! « Et pourquoi je partirais ?! » Elle remarqua, avec la distance qui s’amenuisait, la lueur de terreur et d’urgence dans le regard ambré du garçon. Elle hésita. Il recommença à crier. « Va t’en ! Repars d’où tu viens ! VITE !! » Pour une fois, elle décida de se soumettre et obéit. Elle se retourna. Mais trop tard. Devant elle, l’arche disparut. Dans ses oreilles, elle entendit la porte claquer, et le verrou se tourner.
Certains jours, on se dit qu’on ne pourrait pas les oublier. Certains jours sont comme ça. Simplement marquants. Inoubliables.
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| | | noëmy.
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| Sujet: Re: Misha. Jeu 20 Mai - 19:25 | |
| Chapter two ~ Je ne suis pas chez moi ici.
- Spoiler:
Ne pas être chez soi, ce n’est pas une chose qui s’apprend ou qui se devine. Ca se ressent. Suffisamment croyez-moi pour que vous ne ratiez pas cette impression. C’était ce que ressentait Misha à ce moment précis. Elle savait qu’elle n’était pas chez elle. Qu’elle n’était pas à sa place. Elle regardait, ses grands yeux bleus perlés de violet écarquillés de surprise. La porte s’était trouvée là quelques secondes plus tôt ! Et elle n’y était plus ! Paniquée, elle se retourna. Juste à temps pour voir l’étrange inconnu qui tendait la main vers elle. Elle eut un mouvement de recul, éloignant son épaule pour ne pas que celui-ci s’en empare. Après tout, il n’avait pas paru très accueillant. Sans comprendre, l’autre s’immobilisa net dans son geste. Il secoua la tête. « Je ne te veux aucun mal. » « Où… » « Je t’expliquerais plus tard, on n’a pas le temps là ! » s’exclama-t-il, plus brusque soudain. Misha fronça les sourcils. Elle voulait des explications. Maintenant. Mais pourtant, au fond d’elle, elle savait que ce n’était pas pareil ici. Qu’elle n’était pas devant un idiot de sa classe. Elle capitula, baissant les yeux, gênée. Comprenant qu’elle acceptait, l’inconnu lui prit la main. Une décharge les secoua tout les deux, rompant leur poignée. Le jeune garçon était un peu sonné, mais surtout surpris. Misha elle, avait atterrit les fesses dans l’herbe. Elle se releva, fronçant les sourcils. « Qu’est-ce que… » Mais elle s’interrompit en voyant la mine extrêmement pensive de celui qui lui faisait face. Les rides de son front étaient accentuées, ce qui le rendit subitement plus âgé. Misha resta silencieuse, ébranlée. Alors, le regard de l’inconnu remonta et croisa le sien. Il avait des prunelles ambrées comme le pelage d’un renard. Ses cheveux étaient d’une couleur rouille foncée, qu’il contenait en deux tresses de chaque côté qui lui tombaient sur les épaules. Il recula. « Oh non… » Le genre de parole dont on se passerait quand on est déjà si peu rassuré. La jeune fille pu détailler les petites ailes des la même couleur que ses cheveux. Elles n’étaient pas grandes comme celles des pégases ; elles ne faisaient que la longueur de son avant-bras. Peut-être grandiraient-elles plus tard. Pour briser la torpeur muette dans laquelle était plongé l’individu, Misha lui demanda : « Qui es-tu ? » « Je m’appelle Mahoran. Et toi, étrangère, qui es-tu ? » « Je m’appelle Misha. » Mahoran soupira en baissant les yeux. Il finit par tendre la main vers elle puis, se souvenant du choc qu’ils avaient subi, la retira. Il la dépassa en lui murmurant : « Suis-moi. » Misha hésitait. Devait-elle suivre un inconnu ? Quelles chances avait-elle de survivre ici, seule ? Aucunes. Alors, elle s’engagea à la suite du garçon ailé qui s’enfonçait déjà dans la forêt drue derrière elle. « Attends-moi ! » lui cria-t-elle. Mahoran se retourna, esquissant pour la première fois depuis leur rencontre, un petit sourire. Elle le rejoint en courant doucement, ses longs cheveux roux flottants derrière-elle. Mahoran la regardait d’un regard pétillant. Quand Misha s’arrêta près de lui et le regardant, souriant doucement, elle fut surprise de voir son visage se fermer brutalement. « En route. » « Euh… où allons-nous exactement ? » « Là où les Helys ne pourront ne toucher. » « Les quoi ?! » Avant qu’il puisse lui répondre, une flèche enflammée frôla le nez de Misha qui sursauta. La flèche se planta dans l’arbre, et la jeune fille craignit qu’il ne s’enflamme. Si une brindille brûlait, toute la forêt allait s’embraser aussi. Mais le feu passa subitement au bleu et la flamme disparut instantanément. « Mais… qu’est-ce que… » « Je t’expliquerais tout plus tard ! » répéta Mahoran. Il la saisit par le bras. Un nouveau choc électrique les sépara. Mahoran grommela quelque chose d’incompréhensible. Sans un mot, il tourna les talons et partit en courant. Hébétée, elle le regarda. Puis s’élança derrière-lui. Mais il allait bien plus vite qu’elle, même si elle était en bonne condition physique. Il ne tarda pas à disparaître. A quoi jouait-il ? Misha ralentit, ne sachant plus dans quelle direction aller. Autour d’elle, des arbres, des arbres et… des arbres. Elle soupira, observant les alentours. La journée touchait à sa fin, et au travers du rideau forestier, elle percevait les lumières rougeoyantes du crépuscule. Un cri se fit entendre – sûrement un oiseau – et Misha se retourna précipitamment. Mahoran se tenait sur une branche, caressant une belle créature. Elle avait de longues plumes pourpres, qui dérivaient parfois dans l’oranger. Il s’en dégageait un tel respect que Misha en fut impressionné. Enfin, après un cri strident, l’oiseau prit son envol, et disparu dans le ciel peint des couleurs du coucher. Le garçon ailé se laissa alors tomber en douceur de sa branche et s’approcha d’elle. Sa voix était plus douce lorsqu’il lui parla. « Excuse-moi de t’avoir laissé, j’avais juste besoin d’appeler un Messager et un Voyageur ne doit pas entendre la chanson utilisée pour les appeler. Nous pouvons repartir. » Misha ne parvenait pas à saisir ses paroles. Qu’était un Messager ? Et un Voyageur ? Elle l’ignorait, même si elle devinait que c’était elle qui était désignée dans ce dernier nom. Elle ne dit rien, retenant toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres et s’engagea à la suite de Mahoran. Ils marchèrent jusqu’à la tombée complète de la nuit, quand le jeune garçon s’arrêta. « Nous camperons ici. » annonça-t-il. Misha acquiesça en silence. Elle ne comprenait rien à ce qui lui arrivait et peinait à suivre la suite des évènements. Mahoran s’en aperçut et lui sourit en lui intimant de s’asseoir. « Je parie que tu as des questions. » La jeune fille baissa les yeux. « Ne te gêne pas, tu peux les poser, nous avons mis suffisamment de distance entre les Helys et nous. » « D’accord. Bon, qu’est-ce qu’un Helys ? » « Et si tu commençais par le début ? » suggéra-t-il en souriant, espiègle. « Euh… bon alors, où suis-je ? » « Tu ne le sais pas ?! » s’étonna-t-il. « Je suis censée le savoir ? » « Eh bien, j-je pensais que tu avais Voyagé volontairement. » « Ce n’est pas le cas… » Annonça Misha en soupirant. Le jeune garçon se rapprocha d’elle pour éviter d’avoir à élever la voix. Leurs paroles résonnaient dans le silence de la nuit. « Alors, où suis-je ? Quel est cet endroit ? » Répéta-t-elle. « Tu es à Ell’Ysa. » « Comment… enfin, j-je… j’ai du mal à croire que… » « Oui, je te comprend. C’est un endroit bien loin de celui d’où tu viens. Bien différent aussi. » « J’étais en cours avec mon prof d’histoire qui voulait… » « En cours ? » l’interrompit Mahoran. « Oui, chez moi, nous allons en cours. A l’école. Pas vous ? » « Euh, non. Dès que nous naissons, nous savons pour quoi nous sommes nés et nous apprenons seulement le nécessaire à notre destin. Un Chasseur n’aura pas le savoir d’un Chercheur. Tout comme un Protecteur n’aura pas les capacités d’un Messager. » Autant qu’il parle en grec, ça ne changeait rien pour Misha : elle ne comprenait rien. Elle grimaça. « J’ai peur de ne pas tout comprendre… Pour quoi es-tu né, toi ? » « Je suis un Messager. » « Qu’est-ce qu’un Messager ? » « C’est quelqu’un qui apporte des messages. » « C’est tout ? » « Tu es bien curieuse, Misha ! s’exclama-t-il en riant. Tu as vu l’oiseau tout à l’heure ? » Elle repensa à la créature flamboyante. Elle hocha la tête, vivement intéressée. « C’est un Phoenix. Je suis Dresseur de Phoenix. Parfois, les Messagers découvrent une affection pour une certaine espèce de créature. » La jeune fille ouvrit grand la bouche. Un Phoenix, comme dans les histoires. Elle ne réussit pas à étouffer un bâillement et détourna le regard, honteuse de se laisser aller à la fatigue. « Dors, Misha. Les Voyageurs ne sont pas les bienvenus ici. Demain est une longue journée. Tu as de la chance d’être tombé sur moi, et pas sur un Helys parce qu’il t’aurait tranché la tête depuis longtemps. Je vais devoir te ramener chez mon père, pour qu’il trouve une solution à ton problème. » « Quel problème … ? » demanda-t-elle, les yeux déjà clos, roulée en boule à même le sol. Etrangement, elle n’avait pas froid ; la nuit était douce. « Rentrer chez toi voyons… » Murmura Mahoran, étonné de sa question. Mais Misha ne l’entendit pas ; elle était déjà partie dans un sommeil profond.
Misha se réveilla en sursaut. Quelqu’un la secouait. Elle ouvrit les yeux et ouvrit la bouche pour protester mais une main se plaqua devant celle-ci pour l’empêcher de parler. Effarouchée, elle se redressa d’un coup, dévisageant Mahoran. Celui-ci lui intima le silence par un doigt devant sa bouche et lui murmura à l’oreille : « Les Helys se sont rapprochés. Il faut avancer. » Misha s’étira, frottant ses yeux endormis. Marcher, là, de bon matin ? Elle trouvait la plaisanterie de mauvais goût… mais s’aperçut très vite au regard pressant de Mahoran que ce n’était pas une plaisanterie. Elle se leva et entendit alors un bruit infime. Un léger courant d’air. Qui se multipliait. Elle tourna la tête juste à temps pour voir fondre sur elle une dizaine de flèches enflammées. Elle écarquilla les yeux, se préparant à essayer d’esquiver. Mais qui aurait pu esquiver ce jet ? Personne. Elle ferma les yeux en attendant l’impact. Puis décida qu’elle préférait mourir en essayant. Elle tenta de courir sur le côté. Les flèches fusèrent sur Misha… qui n’était plus là. Elles se plantèrent dans l’arbre, et toutes en même temps, produirent une flamme bleue avant de s’éteindre. A quelques pas de là, Misha regardait les projectiles avec des yeux effrayés. Une seconde avant, les flèches allaient la transpercer. Et elle les avait évité. Mahoran paraissait aussi surpris qu’elle. « Une Séraphine… » marmonna-t-il. Mais il ne donna pas le temps à Misha de le questionner, car il repartir aussitôt en l’intimant de le suivre. La jeune fille, encore dépassée, ne tarda pas à le voir s’éloigner. Elle se mit à courir pour le rattraper – mais avec l’expérience de la veille, elle s’en savait incapable. Mais elle le rattrapa. Mahoran avait déplié ses petites ailes roussies et volait à une vitesse incroyable, proche du sol pourtant. Et Misha courrait librement à côté… D’un coup, il s’arrêta. La dévisagea longuement. Pourquoi cela devait-il tomber sur elle ? Elle était si jolie, si gentille. Pourquoi le Ciel s’acharnait-il sur cette pauvre enfant ? Il secoua la tête, lâchant son regard bleu pour soupirer. « Je… peux savoir ce qu’il se passe… ? » « Il y a cinq Destins – métiers si tu préfères. Il y a les Chasseur : ils ont des cornes sur le haut de la tête, et son excellent à la chasse. Il y a les Chercheurs : ils sont tout à fait normaux, et s’intéressent à la science de notre monde. Ensuite, il y a les Protecteurs : ceux-là sont des combattants entraînés, n’en attaque jamais un. Ils servent de soldat pendant les guerres, et protègent les personnes gradées. Ensuite viennent les Messagers, comme moi. Nous avons des ailes pour nous permettre de nous déplacer plus vite de villes en villes ; notre tâche est d’apporter les nouvelles. » « Ca fait quatre. » « Et il y a les Séraphins. Ils sont souvent utilisés comme espions mais beaucoup le sont sans que personne ne le sache. Ils ne leur pousse ni ailes ni cornes mais ils ont une agilité accrue. Ils se déplacent plus vite que la normale. » Misha ouvrit la bouche, la referma ensuite, ne trouvant rien à dire. Le Messager s’en chargea à sa place : « Oui, je pense que tu es une Séraphine, parce que personne ne peut courir aussi vite qu’un Messager vole. » « Qu’est-ce que ça signifie ? Enfin, c’est bien ou pas ? » « Ce n’est ni bien ni pas bien, Misha. C’est plus compliqué que ça. Tu es une Voyageuse, tu ne peux pas être une Séraphine. » « Mais tu viens de dire que… Attends, qu’est-ce qu’un Voyageur ? » « Notre peuple les appelle ainsi car ils ‘voyagent entre les mondes’. Les humains, si tu préfèrent. » « Voyager entre les mondes ? Mais, la porte… je n’ai pas choisi d’arriver là moi ! » « Je sais, je sais, du calme. Il n’empêche que tu as traversé l’Arche. Cela faisait des milliers de lunes que ça ne s’était pas produit. Tu ne dois pas rester ici. Tu n’y es pas en sécurité. Tout le monde va vouloir te tuer. Si les Helys sont déjà au courant de ton arrivée, je suis certain que beaucoup savent qu’un Voyageur est entré à Ell’Ysa. » La jeune fille plongea son regard bleuté dans celui, ambré, du garçon ailé. Elle n’y trouva aucun mensonge, aucune illusion. Ce qu’il disait semblait vrai. Elle venait d’arriver. Et déjà, on voulait la tuer. Mais au lieu de poser une question intelligente, elle demanda : « Quel âge as-tu ? » « J’ai cent quatre vingt quatorze lunes. » « Cent quatre vingt quatorze ?! Mais attend, à combien de jours correspond votre ‘lune’. » « Trente jours, plus ou moins. » Donc une lune est égale à un mois, en déduit-elle. Cent quatre vingt douze divisé par douze devrait faire… « Tu as seize ans et quelques mois. » « Seize quoi ? » « Chez moi, douze mois, enfin lunes correspond à un an. » « Ah. Quel âge as-tu toi ? » « Ca doit me faire quelque chose comme… cent quatre vingt six lunes. Quinze ans et demi. » « Plus jeune que moi alors ! » remarqua-t-il en souriant. Misha lui rendit son sourire en lui tirant la langue. « Pourquoi le feu des flèches devenait bleu ? » « C’est du feu noir. S’il ne touche aucune cible, il se consume en passant par le bleu. » « Et… pourquoi les, euh, Helys veulent me tuer ? » « Tout le monde va vouloir te tuer, tu sais. » « Mais pourquoi ?! Je ne leur ai rien fait moi ! » « Je sais. Mais les Voyageurs ne sont jamais les bienvenus ici. Jamais. » Misha soupira. Elle n’avait pas demandé à venir ici. Elle aurait peut-être dû rester dans la salle de son professeur, aussi malsain soit-il. Il ne l’aurait pas tué, lui. Mais étrangement, elle se sentait bien ici. Entière. Même si je ne suis pas chez moi.
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| | | noëmy.
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| Sujet: Re: Misha. Jeu 20 Mai - 19:26 | |
| Chapter three ~ Ni vu ni connu.
- Spoiler:
Ils passèrent la nuit au pied d’un immense saule pleureur. En guise de repas, Mahoran avait ramené un nalip – ce qui ressemblait à un lapin – et en proposa, cru, à Misha. Celle-ci refusa, écoeurée. Manger de la viande crue ?! Hors de questions. Mais l’odeur alléchante de l’animal et la faim qui la tenaillait depuis la matinée la firent céder. Elle osa goûter la chair tendre. Ce n’était pas comme le lapin, finalement. C’était plus juteux mais cela semblait presque cuit. Saignant, quoi. Le lendemain, ils se remirent en marche aux premières lueurs de l’aube. Misha marchait comme un zombie, en manque de sommeil. Elle bâilla en remontant aux côtés du Messager. « Nous sommes encore loin ? » « Non, nous devrions arriver dans la soirée si tout va bien. » « Mais au fait, pourquoi allons-nous chez ton père ? » « Parce que c’est le conseiller d’un des cinq dirigeants, et qu’il est bon. Il saura prendre une juste décision. » Misha hocha la tête. « Il y a cinq dirigeants ? » « Oui. Le pouvoir est partagé entre cinq hommes. Mon père en fait partit. Chez les Helys, ils sont trois à gouverner. » Lui expliqua-t-il. « Les Helys… qui sont-ils ? » « Tu veux que je te raconte toute l’histoire de Ell’Ysa ? » « Oui. » acquiesça-t-elle. « Bien. Tout a commencé il y a plusieurs milliards de milliards de lunes. C’était une terre vierge, inhabitée et sauvage. Dans ton monde, des humains ont trouvé des brèches, des portes leur permettant de traverser les mondes. Ils ont atterrit ici. Ils ont été les premiers Harlequins – les Harlequins, ce sont nous. Ceux qui ne font pas parti des Helys. Peu à peu, les Humains envahirent le territoire. Ils construirent des villes, des villages. Ils s’approprièrent les terres. Mais en venant ici, ces hommes avaient été transformés. Ils étaient en harmonie avec la nature. Ils ne voulaient que le bien de leur monde. En s’apercevant que la terre devenait trop peuplée, ils ont rassemblés les Magiciens les plus puissants pour créer des pierres qui contiendraient l’énergie des portes, des Arches comme on les appellent ici. Ainsi, cela condamnait les passages à rester clos. Ils ont rassemblé les pierres dans un endroit sacré... et secret, inconnu de tous. La paix dura longtemps, à Ell’Ysa. Mahoran se tu un moment. Il plongea son regard dans celui de Misha qui était toute ouïe. « Un beau jour, l’un des Magiciens trahit les siens. Une pierre fut brisée, et seuls les Magiciens connaissaient leur cachette. Mais cela, personne ne s’en était aperçut. Jusqu’à-ce que toutes les pierres sacrées furent brisées. Elles étaient au nombre de treize, chacune renfermant l’énergie de trois Arches. Alors, de nombreux Humains atterrirent ici. Sauf qu’ils étaient différents des premiers et assoiffés de pouvoir. Ce qu’ils firent fut impardonnable. » Misha décela une lueur de colère dans le regard ambré du garçon. « Que firent-ils ? » « Ils tuèrent le roi – à cette époque c’était un roi seul qui gouvernait. Les Harlequins les chassèrent. Ils devinrent les Helys, et s’approprièrent le Nord d’Ell’Ysa. Le peuple se divisa en deux. Ceux qui étaient de l’avis des Helys les suivirent. C’est ainsi que deux peuples se formèrent séparément. Beaucoup de familles se divisèrent. Les premières lunes furent dures des deux côtés. Puis, tout se stabilisa de nouveau, même si les tensions persistèrent. » Misha hocha la tête, puis demanda : « Que devinrent les Magiciens ? » « Les traîtres – oui parce qu’ils étaient plusieurs – tuèrent ceux qui étaient encore droits et bons. Ils rejoignirent les Helys, et re-fabriquèrent les pierres sacrées car même les Helys ne voulaient pas d’une seconde invasion humaine. Peu après, rongés par la culpabilité, les Magiciens se tuèrent. » Mahoran soupira. « La paix dura quelques centaines de lunes. Et voilà que tu apparais, là, devant moi… » Misha fronça les sourcils, prête à riposter, avant de se rendre compte que ce n’était pas à proprement dit contre elle. Elle commençait à comprendre. « Alors, commença-t-elle, ça veut dire qu’une pierre a été brisée, pas vrai… ? » « Oui, exactement. » « Mais pourquoi voudrait-on me tuer, je n’y suis pour rien. » « Que ce soit ta faute ou pas, les Helys détestent plus que personne les Voyageurs. Ils voudront te tuer les premiers. Mais les Harlequins se souviennent de l’invasion, ils se montreront aussi acharnés à te traquer. C’est pourquoi nous devons faire vite. » Misha resta silencieuse un moment, marchant en regard le sol. Puis, elle fit quelques grandes foulées pour rattraper le jeune garçon. « Il y a différents métiers, enfin, Destins, chez les Helys ? Ce sont les même que chez vous ? » « Non. Il y a les Magiciens, les Assassins – un peu l’équivalent des Protecteurs en plus barbares, les Eclaireurs qui sont des espions, et les Chanteurs. » « Les Chanteurs ? » répéta Misha. « Oui. Leur chant attire les proies. Ils font ainsi d’excellents chasseurs, même s’ils attirent aussi parfois des âmes esseulées. Les Helys sont insensibles aux chants des leurs. Mais les Harlequins eux, y sont très sensibles. Méfie-toi toujours. » Elle hocha la tête, pensive. Elle savait qu’elle devait haïr les Helys, mais pourtant, elle n’y parvenait pas. Leurs Destins semblaient plus recherchés que ceux des Harlequins, qui restaient basiques. C’est sur des réflexions partagées que Mahoran l’interrompit. « Dis-moi, tes parents, ils ne te manquent pas ? » Misha ouvrit la bouche, mais la referma, rougissant de honte. Ses parents, ses chers parents ! Pouvait-elle avouer qu’elle n’y avait même pas pensé ? Qu’elle ne s’était pas même demandé si son absence les avait inquiété ? Elle baissa la tête, gênée. Mahoran s’approcha d’elle en évitant bien sûr son contact, et sourit. « Ne t’en fais pas, ça peut arriver. Moi aussi si j’avais atterrit dans un autre monde, j’aurais eu autre chose à penser qu’à mon monde d’origine ! » Mais du coup, Misha pensa à ses parents, à ses amis, même à son lycée, pendant le reste de l’après-midi. Elle revit le beau sourire de William et éprouva un pincement au cœur. Alors que, pensive, elle n’avait pas vu Mahoran s’éclipser sûrement pour aller chercher quelque chose à manger, elle éprouva la forte impression d’être épiée. Elle observa les arbres, les branches, même si beaucoup restaient voilées derrière un épais rideau imperméable de feuilles. Elle ne vit rien. Un instant elle crut voir deux billes scintillantes percer les fourrés. Mais celles-ci disparurent si vite qu’elle se convainquit d’avoir rêvé. Elle n’avait pas rêvé. Quand Mahoran revint, il donna à Misha un autre nalip qu’elle mangea sans objections. La nuit tombait. A la lueur de la lune, Misha observait le Messager qui semblait coudre. « Que fais-tu ? » « Je nous fabrique des gants. » « Des gants ? » « Oui, pour que si à un moment, je dois te tirer ou te toucher, je ne subisse pas une nouvelle décharge. » Se souvenant de la sensation désagréable, la jeune fille frémit. Elle observa les dernières lueurs du soleil disparaître. Alors qu’elle allait le questionner, Mahoran la devança. « On aurait dû arriver ce soir, mais nous avons dû faire un détour : un camp d’Helys était posté trop près. Ils savent que tu es arrivée. Ils savent que tu es là, même s’ils ignorent encore où. » Mais avec un hochement de tête, la lycéenne revint à la charge sur le sujet qu’elle voulait, elle. « Pourquoi ça fait ça.. ? » « De quoi ? » « Ben, quand on se touche, cette décharge d’électricité ? » Mahoran ne savait pas ce qu’était « l’électricité » mais ne releva pas. Il fit une moue, penaud. « Eh bien, pour être franc, je n’en sais rien. Je n’ai jamais entendu dire que les Voyageurs étaient impurs ( Misha se raidit ) ou quoi que ce soit d’autre. Mon père nous le dira. Dors, nous nous lèverons tôt demain pour arriver à temps. Cela clos la discussion. La jeune fille se roula en boule et observa de ses grands yeux bleus perlés de violet l’étrange garçon qui se trouvait en face d’elle. Il croisa son regard et sourit. Misha s’endormit.
C’était un village qui s’étendait sur deux kilomètres. Les maisons étaient basses, sans étages, et se ressemblaient toutes. Les rues étaient identiques. En bref, il fallait bien connaître l’endroit pour ne pas se perdre. Elle suivit Mahoran, qui lui avait fait enfiler ses gants. Après tout, si on ne voyait pas de différences flagrantes avec les Harlequins, elle pourrait presque passer inaperçue. Presque. Le garçon la guidait, une main sur l’épaule, évitant les rues bondées. Ils avaient marché toute la matinée, et à présent, le soleil frappait, à son zénith. Soudain, Mahoran la fit passer un rideau de couleur – qui tenait lieu de porte, devina-t-elle – et lui demanda de l’attendre devant une porte close : il allait prévenir son père de l’arrivée d’une Voyageuse même s’il était certain qu’il était déjà au courant. Ensuite, il allait lui expliquer qu’il fallait juste l’aider à rentrer chez elle, et qu’elle n’était pas dangereuse. Misha patienta, tandis que le Messager ouvrit la porte et la referma.
De l’autre côté, une pièce vaste tenait lieu de bureau. Luran, père de Mahoran, se tenait assis bien droit. Sa barbe rousse courrait sur son menton, et ses sourcils tout aussi pourpres se froncèrent à la vue de son fils. « Mahoran, le salua-t-il. Que viens-tu faire ici ? Tu étais censé être à Exambourg, pour ta mission, et il est impossible que tu en sois déjà revenu. Qu’est-ce qui a bien pu te détourner de ta mission de Messager, fils ? » Son ton était resté calme, mais son autorité ressortait néanmoins. Le jeune garçon carra les épaules. « Père, es-tu au courant qu’un Voyageur a traversé une Arche ? » Les traits du dirigeant se durcirent. Oui, il était au courant. « Ce Voyageur t’a-t-il attaqué ?! Mahoran, parle ! » « Non, père. C’est une Voyageuse, et elle est arrivée ici par hasard. Il faut que… » « Attends, l’interrompit Luran, comment sais-tu tout cela ? » Mahoran hésita. « Elle ne connaît rien de ce monde, et a traversé une Arche sans s’en rendre compte. Elle ne voulait pas arriver ici. Si je sais tout cela, père, je veux bien t’en expliquer la raison. Mais avant tout, tu dois me promettre de ne pas céder à la colère. » Luran connaissait son fils. C’était un Messager droit et respectueux. Il avait confiance en lui. « Parle, je t’écoute. » Alors, il raconta tout. Sa rencontre avec Misha, et sa marche pour arriver jusqu’ici. Son père resta silencieux et comme promit, ne céda pas à la colère. Il l’écouta avec attention, et quand ce fut finit, demanda : « Ca veut dire qu’elle… » « Oui, elle est là, derrière cette porte. » termina Mahoran. Son père tressaillit. Son propre arrière grand père avait été tué par un Voyageur, la méfiance était compréhensible. « Fais-la entrer. » Hochant la tête, Mahoran se dirigea vers la porte close. Il marqua une courte pause. Il éprouvait une sympathie singulière pour la pauvre Voyageuse. Après tout, elle devait se sentir assez mal pour ne pas qu’on lui répète constamment qu’elle n’avait rien à faire ici. Il inspira à fond et se lança, tournant la poignée en ignorant le regard de son père qui lui brûlait le dos. Mais derrière la porte, le couloir était désert. Misha avait disparu.
Elle était encore dans le couloir quand elle avait de nouveau eu cette sensation d’être épiée. Pourtant, elle avait eu beau scruter les murs impassibles et anciens du bâtiment, elle n’y avait rien trouvé. Les pierres grises posaient sur la jeune fille rousse un regard accusateur. Quand soudain, ils avaient surgis. Ils étaient trois, mais pourtant, aucun d’eux n’avait fait le moindre bruit en arrivant. Ils étaient vêtus de capes grises rappelant la couleur des murs. Voilà peut-être pourquoi ils s’étaient si bien fondus dans le décor. Leurs regards étaient camouflés derrière un voile opaque. Leurs habits en toile ne faisaient pas le moindre bruit. Misha ne les avait jamais vu, pourtant, elle les reconnut. Les Helys. Ils s’approchèrent d’elle avec une assurance déconcertante. Elle, elle s’était figée, incapable de bouger ou de murmurer un mot qui aurait pu alerter Mahoran. Ses yeux bleus se posèrent tour à tour sur les visages masqués pour tenter de croiser un regard et d’y lire autre chose que cette continuelle sensation de malveillance qu’ils dégageaient. Deux se déployèrent devant elle, tandis que le troisième passait dans son dos comme un souffle d’air. Un des inconnus devant elle lui tendit une fleur. D’abord surprise, Misha s’approche par instinct, pour la sentir. Erreur. Instantanément le parfum inspiré, elle s’écroula en arrière, retenue par celui de derrière. Un autre lui souleva les jambes tandis que le dernier regardait par la porte pour s’assurer que la voie était libre dans la rue. Les marchands ne les verraient pas. Ils n’étaient pas n’importe qui. Ils étaient des Eclaireurs. Avec un geste de celui qui guettait, ceux qui portaient la jeune Voyageuse la couvrirent d’un sac en toile ocre. Ils la feraient passer pour de la marchandise. Après un mot sec incompréhensible lancé dans le couloir silencieux, les trois Helys s’engagèrent dans la foule où ils se mêlèrent avec facilité. Ni vu ni connu. Tout s’était déroulé comme prévu. Avec facilité.
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| | | noëmy.
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| Sujet: Re: Misha. Jeu 20 Mai - 19:30 | |
| - Spoiler:
Mahoran paniquait. Où était passée Misha ? Etait-elle partie, de son propre gré ? Il n’aurait pu dire exactement. Il ne la connaissait pas, après tout. Peut-être avait-elle préféré essayer de trouver un moyen de repartir toute seule. Sauf que c’était peine perdue. Elle ne pouvait pas survivre dans ce monde qu’elle ne connaissait pas. « Eh bien, tu la fais entrer oui ou non ? » s’impatienta son père. Le jeune garçon se mordit la lèvre. Il se retourna. « Eh bien, c’est que… » « Que quoi ? » « Elle n’est plus là. » « Quoi ?! » s’exclama Luran. Sa chaise grinça quand il la repoussa. En quelques secondes, il était aux côtés de son fils. « Tu es sûre qu’elle était là ? » « Oui, sûr et certain ! C’est ici que je l’ai laissé. » « Bon. » Luran fit demi-tour et repartir dans son bureau, d’un air déterminé. Mahoran le suivit, laissant la porte claquer derrière-lui. « Que vas-tu faire ? » demanda-t-il à son père. Celui-ci ne répondit pas, s’affairant dans des piles de papier qu’il déplaçait. Il semblait chercher quelque chose. « Père ? » Luran parcourait les textes écrits dans une calligraphie soignée. Ses yeux allaient d’un bout à un autre avec une vitesse incroyable. Frustré, Mahoran frappa du plat de la main sous les yeux de son père, lui cachant la vue. Celui-ci, furieux, releva la tête et foudroya son fils du regard. « Allons, Mahoran, que t’arrive-t-il ?! » « Répond à ma question. Que fais-tu ? » Sans répondre, le dirigeant repoussa sa main et trouva enfin ce qu’il cherchait. Il tourna le dos à Mahoran et attrapa un cylindre en bois. Le transféreur. Qui pouvait-il bien appeler ? Le jeune homme restait sceptique, immobile. « Allo, Kiria ? Prévoyez une réunion d’urgence. » Le pouls de Mahoran s’accéléra. Il y eut quelques murmures à l’autre bout du fil. « Où ça ? Au pariator. » Non… Non ! « Pour ce soir. Très bien, Kiria. Merci. » Il raccrocha. Mais Mahoran avait déjà comprit. Le pariator, c’était l’endroit des procès. Des bannissements. Toutes les chasses à l’homme partaient de là-bas. Luran rangea brièvement les piles de paperasse et s’en alla quitter la pièce. Son fils fut plus rapide ; il lui barra la route, le regard sévère. « Tu ne peux PAS faire ça. » « Mahoran, écarte-toi. » Mais le jeune garçon n’avait nullement envie de bouger. « Je suis obligé de faire ça, c’est la seule solution, et tu le sais très bien. Une Voyageuse est parmi nous, une fugueuse et une menteuse en plus de ça ! » « C’est FAUX ! » « Ah oui ? Et comment sais-tu que c’est la première fois qu’elle vient là ? Et que c’était involontaire ? » « Elle me l’a… » « … dit ? le coupa Luran en ricanant. Ces gens sont des menteurs. » « Mais… elle avait l’air si sincère, et réellement déboussolée, je t’assure, père… » « Ce sont aussi d’excellents comédiens. Maintenant écarte-toi. » « Non. » Luran poussa son fils avec force. « J’ai confiance en elle ! » lui assura Mahoran. Mais son père ne se retourna même pas, et lui lança : « Crois-tu la connaître assez pour avoir confiance en elle ? Non, tu ne la connais pas. Pas du tout. » Mahoran ne répondit rien. Son père avait raison.
Lorsqu’elle se réveilla, Misha découvrit une pièce entièrement blanche. Il n’y avait aucune fenêtre, mais une lumière tamisée éclairait pourtant la pièce. Elle se redressa en douceur. Un bref vertige la prit et une terrible migraine lui scia la tête. Elle essaya d’amener sa main contre son front, mais quelque chose l’en empêcha. Elle se pencha. Ses poignets étaient liés aux barreaux du lit. Grimaçant, elle tira dessus de toutes ses forces – ce qui, naturellement, ne servit à rien. Les liens étaient bien trop solides, et beaucoup trop serrés. Elle se débattit nerveusement. Soudain, une porte – qu’elle n’avait même pas vu auparavant car elle était blanche comme le reste des murs. Deux individus entrèrent. Non, trois. Deux femmes habillées en blouses immaculées, et un homme tout habillé de gris, qui contrastait dans la pièce. Aucun d’eux ne parla. « Qui êtes-vous ? » interrogea Misha, suspicieuse. Personne ne lui répondit. Une femme s’approcha d’elle, tandis que l’autre venait de l’autre côté. Instinctivement, la jeune fille voulu s’écarter mais ses liens l’en empêchaient. Elle découvrit que ses chevilles aussi étaient emprisonnées. Les visages des femmes étaient tendus, mais pas hostiles. L’homme, au contraire, arborait une allure grisante. La femme de droite lui prit de bras. Misha sentit ses doigts glacés. L’autre lui prit le bras gauche. Quelque chose, au fond d’elle, lui disait que ce n’était pas bon signe. Pas bon du tout. L’homme fit un signe de tête aux deux inconnues. Alors, celle-ci attrapèrent chacune une seringue remplie d’un liquide bleuté. Non, ça ne lui disait vraiment rien. Elle tenta une ultime fois de reculer, de se détacher. Les liens frottèrent contre sa peau à vif. Non, c’était impossible. Dans de même mouvements synchronisés, elles plantèrent les aiguilles dans la chair de la jeune fille. Instantanément, sa migraine s’évapora. Peut-être était-ce quelque chose pour l’aider ! « Qu’est-ce que… v-vous… je.. » C’est quand Misha se rendit compte de son incapacité à parler qu’elle su que ce n’était pas pour l’aider. On la renvoyait au sommeil forcé. Ses paupières se fermèrent contre son gré. Et elle perdit connaissance, de nouveau.
Le jeune garçon courrait. Il était parti de chez lui à la nuit tombée. Son père serait furieux s’il l’apprenait. Mais c’était prévu qu’il ne le sache pas. Mahoran prit de la vitesse. Ses petites ailes se déployèrent. Et il s’envola. Enfin, il volait à trente centimètres du sol, mais cela lui faisait gagner un temps précieux. Il filait dans la nuit sombre. Il se rendait chez un ami, un vieil ami. Il ne pouvait compter sur personne d’autre. Ici, tout le monde obéissait à son père. Mais Kalaho, lui, n’était pas de ces gens-là. Il n’aimait pas se fier aux règles et aux lois. Lui, il l’aiderait. Mahoran en était sûr. Ou du moins, il l’espérait. Au fond de lui, il ne pouvait pas croire que Misha l’ait trahi. Il lui avait accordé sa confiance, son amitié. Et puis, ce regard déboussolé… non, elle ne s’était pas enfuit de son propre gré. Il s’était passé quelque chose. Et il devait aller l’aider. Il ne savait pas trop pourquoi, mais il le faisait. Quelque chose le lui dictait, au fond de lui. Il devait quitter Exa’o, la ville dans laquelle il vivait, pour gagner Hella, une petite bourgade située aux alentours de la ville. Il y parvint une demi-heure plus tard, épuisé. Le silence était total. Dans les campagnes qui avaient peu à peu cédé la place aux bâtiments, seuls la lune émettait une pâle clarté. Mais Mahoran savait où il allait. Son père n’aimait pas trop Kalaho. C’était un vieil homme avec une présence d’esprit aiguisée. Justement, cela ne plaisait pas trop aux dirigeants, qui le soupçonnaient sans cesse de chercher un moyen de forcer leur autorité. Cela était faux. Tout ce que cherchait Kalaho, c’était la paix. Il voulait qu’on le laisse finir sa vie en paix, oui. Il ne demandait rien à personne et vivait un peu comme une ermite. Mahoran arriva devant sa demeure ; c’était une grange rénovée. De jour, on pouvait voir la façade décrépie, et le lierre qui y montait. Le jeune homme frappa à la porte, et attendit. Au bout de longues secondes, il vit les rideaux s’écarter à la fenêtre jouxtant la porte. Il attendit. Puis, quand ils retombèrent, deux jeux de serrures s’activèrent. Et la porte s’ouvrit sur un hall non éclairé. « Entre. » En inspirant à fond, Mahoran pénétra chez celui qui portait son dernier espoir.
Misha se réveilla, complètement perdue. Elle ne savait plus où était le haut, où était le bas. Quand elle ouvrit les yeux, elle resta un long moment à se demander si ce qu’elle voyait était le plafond… ou le sol. La jeune fille ne parvenait pas à penser correctement. Ses idées s’embrouillaient, se mélangeaient. Elle resta dans cet état pendant un long moment – sans qu’elle puisse savoir exactement combien de temps – puis enfin, son esprit commença à s’éveiller. Elle pu humecter ses lèvres sèches, et remuer les orteils. Elle arrivait à penser de façon autonome, et ses pensées ne se perdaient plus comme avant. Alors, elle se demanda la raison de ce soudain flottement de son cerveau. Où était-elle ? Que faisait-elle ici ? Puis soudain, tout lui revint. La pièce blanche. Les deux femmes et l’homme. Les seringues. Le liquide bleu. Elle comprit. Elle avait été droguée. Furieuse, elle essaya de lever les bras, tirant sur des liens… qu’elle n’avait plus. Non, ses poignets étaient déliés. En même temps, ce n’était pas ensuquée comme elle l’avait été qu’elle pouvait tenter de s’échapper. Faute d’énergie, ses bras retombèrent mollement sur le lit. Elle observa les alentours sans se redresser. On l’avait changé de pièce. C’était une pièce aux murs jaunes et crépis, avec une fenêtre sur sa gauche. D’où elle était, Misha voyait tout de même le ciel bleu. La fenêtre donnait sur l’extérieur, et cela la rassura un peu. Elle s’endormit. Quand elle s’éveilla de nouveau, Misha était encore plus consciente. Elle ne pouvait toujours pas parler, mais se sentait apte à se lever. Elle s’assit sur son lit. Sa migraine avait disparu. Elle pouvait réfléchir, désormais. Secouant la tête, elle repoussa ses cheveux emmêlés dans son dos. Alors qu’elle essayait de tenir debout, chancelante, la poignée de la porte s’affaissa. Sans réfléchir aux conséquences et à la suite de l’histoire, Misha se lança vers la fenêtre. Sans savoir où elle donnait, et surtout, à combien de mètres du sol elle se trouvait, elle se jeta dans le vide.
Quand l’homme entra dans la pièce, il aperçu un très bref instant une silhouette debout près de la fenêtre. Puis elle n’y fut plus. Paniqué, il fit demi-tour et se mit à crier dans les couloirs. Tout le personnel alarmé accouru dans les quelques secondes qui suivirent. L’homme, tremblant d’incrédulité, fit face aux siens. Et annonça : « C’est bien une Voyageuse. Car sinon, le dexteriol l’aurait immobilisé plus longtemps. Mais c’est aussi une Séraphine. Elle était près de la fenêtre et une demi seconde plus tard, elle n’y était plus. » « Quoi ?! lança un autre homme. Tu veux dire que… » « Oui, elle s’est échappée. »
« Et tu veux que je t’aide à la retrouver ? » Mahoran hocha la tête. Ils étaient dans une petite pièce sombre, et leurs visages éclairés à la simple lueur d’une bougie rendaient la conversation malsaine. « Tu es fou mon pauvre petit. » « Pourquoi ? » « Parce que tu ne connais rien d’elle ! S’il faut, ton père a raison : et si elle te poignardait dans le dos une fois que tu l’auras sauvé, hein ? » Le jeune garçon ne répondit rien. Il était abattu. Kalaho avait été sa seule chance. Et il refusait de l’aider. Devant le mutisme du jeune, Kalaho resta soucieux. N’était-ce pas là une injustice ? Si cette petite était innocente, c’était un meurtre. Un crime que de la pourchasser pour la tuer. Il soupira. Mahoran se retourna vers lui, le visage triomphant. Il savait ce que signifiait le soupir chez son vieil ami : la capitulation. « Alors, tu vas m’aider ? » « Oui, je vais t’aider à la retrouver. Mais si je découvre que c’est une traîtresse, je la tue de mes propres mains. »
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| Sujet: Re: Misha. | |
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